Matin brun de Frank Pavloff…

C’est l’étude qui fait suite à Antigone en 3ème…

L’auteur:
Frank Pavloff est un écrivain français né en 1940. Spécialiste en psychologie et en droit des enfants il s’est engagé dans de nombreuses associations et a participé à de nombreuses missions humanitaires à l’étranger. Il partage son temps entre la justice et l’écriture et il s’est surtout fait connaître grâce à sa nouvelle Matin Brun qui a rencontré un succès rapide et international.

L’œuvre et son contexte:
Frank Pavloff décide d’écrire Matin Brun sur un coup de colère, lorsqu’en 1998, lors des élections régionales, la Droite s’allie au Front National pour remporter la présidence de certaines régions de France. Quatre ans plus tard, en 2002, lors des élections présidentielles, Jean-Marie Le Pen, qui représente le Front National, accède au second tour. Matin Brun connaît alors une seconde vie : il devient un véritable best-seller car il incarne la lutte contre le racisme et l’intolérance souvent incarnés par le Front National. Matin Brun raconte en effet la mise en place d’un « état brun » et de « lois brunes », où tout ce qui n’est pas « brun » est banni.
La nouvelle a été traduite dans près de 25 langues, elle s’est vendue à plus d’un million d’exemplaires à travers le monde.
Comment Frank Pavloff, à travers cette nouvelle, dénonce-t-il alors les affres et les dangers des pouvoirs en présence dans les années 1998-2002 ?

La structure de l’œuvre:
Matin Brun est une nouvelle, c’est donc un texte très court (11 pages). L’auteur ne perd pas de temps à présenter les personnages (le narrateur et son ami Charlie), le lieu ou l’époque du récit. L’incipit de la nouvelle est donc un incipit « in media res », on rentre directement au cœur de l’action, le lecteur est directement projeté dans « l’état brun » et découvre dès la première page sa première loi : les chiens et les chats qui ne sont pas bruns doivent être piqués ou empoisonnés.
La nouvelle est organisée en une succession de paragraphes qui commencent presque tous par un indicateur temporel (« quelques temps après », « hier », « ce matin » etc) et qui racontent la mise en place des nouvelles « lois brunes » :
− l’interdiction du quotidien de la ville qui contredit les recherches et les lois de l’état,
− l’interdiction des livres qui contiennent les mots « bruns» et « brune »,
− l’arrestation des personnes et des membres de leur famille qui auraient possédé un animal brun même avant la promulgation de la loi.
La nouvelle a une structure elliptique car les événements qui pourraient se dérouler entre chaque paragraphe sont passés sous silence. De plus, on remarque également, qu’au fur et à mesure que l’on avance dans la nouvelle, le laps de temps qui s’écoule entre chaque paragraphe est de plus en plus court, de même concernant la taille des paragraphes et des phrases qu’ils contiennent. Le rythme de la nouvelle est donc de plus en plus rapide et cela participe à la création de la tension dramatique, celle-ci atteint son apogée à la fin de la nouvelle qui se termine dans le suspens : le narrateur, qui entend frapper à sa porte, va-t-il se faire arrêter lui aussi, comme son ami Charlie?
Les personnages
Toujours dans l’optique d’une économie de moyens propre à la nouvelle, celle-ci ne met en scène que deux personnages : le narrateur et son ami Charlie. Tous deux sont des personnages ordinaires, qui mène une vie ordinaire et ont des activités ordinaires : discuter autour d’un café de sujets peu importants, jouer au tiercé, lire la rubrique sports du journal, jouer à la belote en buvant des bières etc, bref, ils s’apparentent davantage à des anti-héros. Mais cette banalité des personnages est voulue, car combinée à l’absence de description physique, elle permet au lecteur de s’identifier à eux, l’auteur aura donc plus de facilité à lui transmettre son message…
Face à la mise en place des « lois brunes », l’attitude et les sentiments des personnages évoluent tout au long de la nouvelle. Le narrateur et son ami Charlie sont tout d’abord dans une posture d’acceptation teintée d’insouciance : ils ne s’opposent pas à cet « état brun » simplement parce qu’ils ne veulent pas d’ennuis et qu’ils choisissent la solution de facilité : accepter pour être tranquilles (« Comme si de faire tout simplement ce qui allait dans le bon sens dans la cité nous rassurait et nous simplifiait la vie. La sécurité brune, ça pouvait avoir du bon. ») Mais à mesure que les « lois brunes » deviennent de plus en plus contraignantes et injustes, le doute s’immisce dans leur esprit. Il faudra qu’il se retrouve directement impliqué dans le « système brun », lorsque que Charlie se fera arrêté pour avoir possédé, avant, un labrador noir, pour que le narrateur, qui lui a possédé un chat blanc, prenne enfin conscience de la dangerosité de ce système et regrette de ne pas s’être révolté, laissant alors la peur prendre le pas sur l’insouciance (« J’aurais dû me méfier des Bruns dès qu’ils ont imposé leur première loi sur les animaux. ») On commence alors à saisir l’une des facettes du message que l’auteur adresse à ses lecteurs : méfiez-vous d’un état qui cherche à vous imposer des lois injustes et intolérantes, elles finiront par vous concerner, révoltez-vous, n’acceptez pas, ne choisissez pas la solution de facilité.

Derrière « l’état brun »:
On en vient alors à déduire que « l’état brun » symbolise et incarne le spectre d’une idéologie nationaliste et fasciste qui planait au dessus de la France au moment de l’écriture de la nouvelle et qui la hante sans doute encore …
A travers les « lois brunes », qui instaurent la couleur « brune » comme seule couleur autorisée, comme seule couleur de référence, Frank Pavloff dénonce le racisme, l’intolérance envers tous ceux qui ne sont pas « de la même couleur ». L’auteur s’oppose ainsi dans sa nouvelle à certains extrémismes politiques.
En décrivant un système intolérant, où l’on interdit les outils d’expression du contre-pouvoir (le journal qui dénonce la suppression des chiens, les livres), où l’on nous interdit de penser ou d’agir en dehors d’un cadre établi, et où l’on risque la prison pour ne pas avoir respecté des lois injustes et stupides, l’auteur nous avertit sur les dangers d’un système totalitaire et dictatorial et il nous exhorte à l’action et à l’engagement.

Ecouter Matin Brun:

Il y a deux ans, les élèves d’une classe de troisième avaient écrit (travail interdisciplinaire français/hit-géo) un apologue intitulé « Forêt brune », visible et en téléchargement sur le site du rectorat de Rouen.

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