C’est mon ami et collègue Pierrick qui m’a inspiré cet article et je reproduis ici l’intégralité de l’article Libération.
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L’affaire du lycéen qui a braqué une arme factice sur son enseignante à Créteil révèle le mélange de déni de réalité du ministre de l’Intérieur et la pauvreté des réponses apportées de la part des autorités depuis plusieurs décennies.
A l’occasion d’un fait divers à la fois grotesque et choquant, notre gouvernement disruptif semble découvrir la violence larvée qui gangrène l’école, lieu essentiel où se file le tissu de la société française. Une violence quotidienne, entre élèves, avec les enseignants, avec les parents, avec les administrations. Une violence tellement banalisée que les réactions gouvernementales sonnent faux, surjouées et médiatiques. Comme pour rassurer les honnêtes gens que tout va bien et que ces dérapages resteront exceptionnels.
En fin de compte le plus effrayant dans cette menace juvénile et maladroite sur une enseignante, c’est peut-être le mélange entre le déni de réalité d’un ministre de l’Intérieur qui fait diversion par un amalgame abusif avec la grande délinquance et la pauvreté des réponses apportées de la part des autorités drapées dans leur impuissance, dans la continuité des actions superficielles et mal calibrées qui caractérisent les politiques urbaines et éducatives depuis plusieurs décennies.
Ne voient-ils pas que malgré son essoufflement au bout de quelques semaines, l’incendie qui a embrasé nos villes et justifié l’état d’urgence en 2005 n’a jamais été vraiment éteint ? Ne voient-ils pas que chaque jour un peu plus, l’école de la République s’enfonce dans la triste résignation à faillir à sa mission d’émancipation universelle ? Sont-ils conscients des difficultés persistantes pour des pans entiers de nos populations laissées pour compte de la promesse républicaine d’égalité et de fraternité ? Au-delà des agrégats statistiques dont les administrations raffolent, ont-ils lu les analyses de terrain, ou encore en particulier cette accablante étude récente du Cnesco sur plus de 900 collèges d’Ile-de-France qui se résume en une question lourde de sens : «L’Education nationale donne-t-elle vraiment plus aux moins défavorisés ?»
Comme on ne peut imaginer qu’ils fussent aussi naïfs et mal renseignés sur l’état de notre école et de la décomposition du lien social et des solidarités dans ce pays, il faut les considérer avec la sévérité qui s’impose lorsqu’on est confronté au cynisme des irresponsables. Le cynisme désespérant d’une société qui accueille 260 000 millionnaires de plus cette année, mais voit la pauvreté progresser dans le même temps. Si encore l’école républicaine pouvait prétendre être l’instrument efficace de ce nouveau Guizot à l’Elysée qui considère qu’il suffit de traverser la rue pour emprunter la voie vertueuse de l’enrichissement… Mais même la promesse de méritocratie bourgeoise où les fils et filles de rien pouvaient devenir médecins, avocates ou ingénieurs pourvu qu’ils étudient bien est devenue une légende urbaine.
Car la réalité c’est que la France n’a jamais créé autant de richesses. Même faible, la croissance est là : le PIB a plus que doublé depuis 1974, soit plus de 100 % de croissance. Dans la même période, la pauvreté n’a reculé que très marginalement. La réalité c’est que le travail ne paie pas. Et le chômage est devenu massif et structurel. Autant parce que la machine n’a plus besoin du plein-emploi pour tourner que parce que la redistribution a changé de sens : entre 1980 et 2007 la progression annuelle du salaire moyen est inférieure à 1 % (0,82 %) mais pour les 0,01 % les mieux payés, c’est + 340 %.
Alors, investir dans l’école ? Mais pour quoi faire ? Les pauvres c’est pas bankable, glamour, disruptif. En revanche l’échec scolaire, ça eut payé. C’est de la main d’œuvre bon marché pour les chaines de restauration rapide ou de télémarketing, pour conduire ceux qui ont quelque part où aller, pour livrer les repas de ceux dont la vie sociale et professionnelle est déjà trépidante, pour fournir les bataillons de serviteurs des nouveaux rentiers 2.0 de la start-up nation.
Et puis l’échec scolaire c’est distrayant quand on mesure au détour d’une émission de téléréalité angélique la vertigineuse inculture de pantins sexy mâles et femelles, filmés dans l’étalement impudique de leur candide bêtise pour le divertissement des masses scolaires.
Pourquoi investir dans l’éducation ? La reproduction sociale garantit la continuité des élites de la nation. Maintenir chacun à sa place, c’est la clé de l’ordre social et de la tranquillité des classes dominantes. Il faut donc une forme de persuasion douce pour convaincre chaque individu qu’il est bien à la place qu’il mérite.
Bienvenue dans la société algorithmique ! Une société dans laquelle les choix d’aujourd’hui sont conditionnés par les choix du passé. Comme la publicité ciblée qui envahit vos écrans à chaque nouvelle page internet, la société algorithmique considère que vous êtes déterminés par votre historique de navigation. C’est la société des déterminismes sociaux et culturels ancrés dans les territoires.
De la maternelle à Parcoursup, le message du gouvernement, c’est «reste à ta place, parce tu le vaux bien».
Et le pire c’est qu’on en tirera pas l’enseignement…
oh les réunions qui vont succéder aux réunions, de coi en rester là..
N-L
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Les réunions qui statueront de l’échéance de la prochaine réunion et ainsi de suite en oubliant le prétexte qui avait décidé de la tenue d’une réunion…oui…
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Vive les raies unions
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La société d’écus de formation des culs
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Merci aufildeslivres.
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Je souscris totalement à ce texte. Les solutions du gouvernement sont déconnectées de la réalité du terrain. La vérité c’est qu’il n’y a plus d’espérance.. c’est triste pour un jeune garçon ou une jeune fille de se dire.. je vais rester pauvre, en échec.. toute ma vie et personne ne fera rien pour moi.. On moque la solidarité, les aides sociales, les associations qui font survivre ces territoires concentrant tout ce que l’on ne veut pas voir.. merci à toi Barbara pour cet article très juste de Libération. 🙂
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Merci à toi Frédéric et merci à mon collègue Pierrick qui m’a emmenée sur cet article.
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Hello j’adore te lire !!!!!!!!!!!
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Voilà qui est dit et bien dit…
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Oui Hélène…Triste réalité hélas…
Merci à vous…
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Nous sommes beaucoup d’enseignants à avoir mal à notre école.
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Ce n’est pas à l’école que j’ai mal, Ann..
Elle est peuplée de gens follement investis…
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J’applaudis, Barbara !
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Hélas pourtant!
Merci Gilles! Bonne journée!
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Je crois que c’est pire encore …C ‘est « reste à ta place et si tu ne réussis pas à avoir un travail autre que celui pour lequel tu es destiné, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même, c’est parce-que TU es nul…. comme le, « il suffit de traverser la rue » ! Manière suprême de renvoyer la personne vers son échec sans que cela vienne interroger l’ordre social qu’ils sont entrain de construire ou plutôt de déconstruire….Et, la foule acclame le retour de l’armée et de la dictature à l’autre bout du monde !!! Et, notre président et d’autres s’en prennent encore et encore aux journalistes ! Cela va mal finir !
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Je suis bien d’accord avec vous Matatoune…
Les enfants des classes moyennes n’accèdent plus aux mêmes postes que leurs parents d’ailleurs…
C’est une véritable catastrophe …Je pense aussi que ça va mal finir…
Bonne journée à vous…
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